Depuis plus de 30 ans, une équipe de collaborateurs s'affaire à donner accès aux lecteurs francophones à une partie de la littérature scientifique destinée aux psychologues scolaires. Chaque texte résume un article scientifique originalement paru en anglais. À l'occasion, un article original en français est proposé.
L'AQPS offre à la population générale les 31 premiers volumes du Bulletin de liaison en format pdf sur son site web. Les membres de l'AQPS ont le privilège de pouvoir télécharger les articles de l'ensemble des volumes, incluant les volumes les plus récents (volumes 32 à 36).
Les enfants du divorce Anne Julien, psychologue C.S. Nouvelle Beauce et des Érables Dans mes écoles, je remarque que les élèves vivent très souvent des problèmes scolaires ou comportementaux consécutivement à une situation de divorce ou de séparation de leurs parents. L’influence de cette situation sur le vécu scolaire semble être transitoire pour ceux qui parviennent à s’adapter à la nouvelle situation. Pour les autres, les problèmes risquent de devenir plus intenses et de durer longtemps si aucune intervention n'est faite. Comme psychologue scolaire, cette situation me questionne beaucoup tant au niveau préventif que curatif. L’intervention individuelle pourrait être efficace mais s'avère hors de portée compte tenu du nombre déjà élevé et grandissant d'élèves vivant le divorce ou la séparation de leurs parents. Que penser alors de l'intervention de groupe ? Est-elle efficace? Quelle serait la meilleure façon de procéder ? J'ai trouvé réponse à ces questions l’an dernier lors d’un atelier du congrès des psychologues: « Les enfants et le divorce » donné par Denis Gagné, psychologue et Manon Cloutier, travailleuse sociale. Dans cet atelier, ceux-ci nous ont fourni un document donnant tous les détails de la démarche d'intervention qu’ils avaient entreprise auprès des enfants vivant une situation de divorce ainsi que les résultats auxquels ils étaient parvenus. Emballée par la perspective d’avoir en mains un projet déjà structuré et efficace qui me demanderait peu de préparation tout en permettant une intervention de groupe, je mis de l'avant le projet dans une de mes écoles. C'est de cette expérience dont je veux vous entretenir dans cet article en vous indiquant grosso modo la démarche qu’ils ont proposée et que j'ai reprise (il vous sera peut-être possible d’obtenir leur document auprès de la Corporation ou directement auprès d'eux au CLSC La Pommeraie (1), en y apportant les changements que j’ai effectués de même que ceux que je compte apporter lors d'une expérience ultérieure. Ceci n’est donc pas un article scientifique mais bien un partage d'expérience, en toute simplicité... Les deux intervenants Denis Gagné et Manon Cloutier proposaient de mettre sur pied une série de rencontres à l’école pendant les périodes libres des élèves. Les objectifs poursuivis étaient de: - diffuser de l'informations - favoriser le support et l'échange entre les enfants - diminuer le sentiment de culpabilité - aider à identifier et à exprimer leurs émotions - démystifier les attentes des enfants face à leurs parents - aider à combler leurs besoins - aider à vivre de nouvelles relations familiales - identifier des moyens pour régler les conflits. Dans leurs rencontres, ils abordaient les problèmes spécifiques de chacun des enfants face au vécu du divorce. En groupe (l’aide des pairs étant ici particulièrement crédible), ils cherchaient des solutions pour chacun des élèves à tour de rôle et l’élève devait tenter de les appliquer dans sa vie en donnant par la suite un retour aux membres du groupe. Les intervenants rapportent dans leur document des faits indiquant que l’expérience avait été concluante. En ce qui me concerne, j'ai utilisé à la base ce qu'ils suggéraient. D'abord, il me fallait déterminer à quel niveau scolaire j'allais offrir mon groupe d'intervention sur le divorce. J'ai donc consulté les listes d'élèves afin d'avoir une idée du nombre d'élèves ne vivant pas avec leurs deux parents (notons ici que cela risquait d’inclure les cas de décès). J’ai calculé ensuite par niveau la proportion de ces élèves qui étaient aussi identifiés comme ayant des difficultés d’apprentissage ou de comportement par le biais de la déclaration EHDAA et par les feuilles de références aux services en psychologie ou en orthopédagogie. Le plus haut taux identifié se retrouvait en 6ème année. J'avais 17 élèves vivant avec un seul parent dont six étaient en difficulté. Ainsi, en offrant ces rencontres aux élèves de ce niveau, j’interviendrais auprès de plusieurs élèves déjà en difficulté et auprès des autres, je ferais de la prévention (une pierre deux coups !). J'ai donc offert l'activité à ces 17 élèves, sachant qu'ils ne relèveraient pas tous l'invitation. Si cela avait été le cas, j'aurais offert deux groupes ou bien j'aurais sélectionné par un "hasard pipé" dix élèves comprenant les six en difficulté... Pour présenter mon projet aux élèves, je suis allée parler à chacun des trois groupes de 6ème année, J'ai décrit verbalement le projet à l'ensemble des élèves sans identifier les participants visés. J'ai remis au professeur des feuilles explicatives pour les parents ainsi que la feuille pour leur signature m'autorisant à intervenir auprès de leur enfant. Les élèves intéressés étaient invités à demander eux-mêmes une feuille au professeur au moment qui leur conviendrait le mieux et à me la rendre avant une date déterminée. (Ici, il faut prévoir au moins deux semaines avant le début de l’activité sans quoi il risque d'y avoir des retardataires et il serait hasardeux de procéder sans autorisation préalable). Idéalement, il faudrait faire une présentation très concrète et très rassurante quant au déroulement des rencontres. Il serait souhaitable de prévoir une réunion d'information regroupant seulement les élèves concernés par le vécu du divorce et même leur faire vivre une brève situation typique de celles qui seront vécues dans le groupe. Une autre suggestion serait, dans le cas d'une deuxième expérience, de faire témoigner quelques élèves ayant déjà participé au groupe. Avant la première rencontre de groupe, il serait bien d’avoir une rencontre individuelle avec chacun des participants afin de bien cerner la problématique de leur vécu face au divorce de leurs parents. Ce serait aussi un bon moyen de s'assurer de leur motivation et de mettre au clair l'orientation et les règles régissant les rencontres à venir. Cette suggestion implique cependant un investissement de temps plus grand dans le projet ! (Ah ! cette gestion de temps...) J'ai finalement obtenu huit réponses positives. Voici un tableau résumant le type d'élèves qui ont participé aux rencontres. Garçons 1 1 2 2 1 1 0 Filles 1* 2 6 4 2 0 1 TGA TCC Vit avec sa mère Mère ayant un nouveau conjoint Père ayant une nouvelle conjointe Désistement Ajout Nombre total * Cette élève est à la fois TGA et TCC. 2 6 Notons qu'en plus des groupes réguliers de 6ème, l'offre de participation a aussi été faite aux classes des élèves en difficulté grave d’apprentissage (TGA). Aucun n'a relevé l'invitation. Notons aussi qu'un élève a participé au groupe même si ses parents n’étaient ni séparés, ni divorcés et ce, compte tenu du fait que la situation familiale laissait entendre une séparation prochaine. Je ne répéterais par l'expérience car la différence de vécu a créé trop souvent l'exception dans les échanges avec le groupe et diminué d'autant la complicité entre les participants. Huit rencontres de 45 minutes ont été tenues de façon hebdomadaire sur l'heure du dîner. Cela permettait aux élèves d’avoir du temps pour dîner et aller dehors avant de participer au groupe. Cette procédure est intéressante mais accaparante pour l'intervenant, De plus, il faut mettre en place un bon système pour éviter les oublis (présence et lunch pour les élèves qui ne sont pas des dîneurs réguliers). Nos rencontres ont eu lieu à la bibliothèque. L’important est que le local soit assez chaleureux et isolé tant visuellement qu’auditivement des autres élèves (ils n'aiment pas être identifiés et de plus, si ces conditions ne sont pas respectées, ils sont distraits), Contrairement à la suggestion de Denis Gagné et de Manon Cloutier, j'étais seule comme animatrice. J’ai bien tenté une démarche du côté du CLSC afin d'obtenir un intervenant mais... personne n'était disponible. Pour le déroulement des rencontres, j’ai d’abord suivi la suggestion des intervenants du CLSC La Pommeraie, i.e. je m’attardais sur le projet de changement d'un ou de deux élèves à la fois afin de trouver des solutions à leurs problèmes. J'ai dû modifier ma démarche à la demande des élèves. Ils considéraient qu'on passait trop de temps sur le cas d’une seule personne à la fois. Ils étaient tous très avides de s’exprimer et d’obtenir mon attention et celle du groupe. J’ai senti une difficulté particulière pour eux à se centrer sur le vécu de l'autre. Nous avons donc décidé de procéder par thèmes et à travers ceux-ci on touchait les problèmes d’un peu tout le monde à la fois. Il arrivait qu'on travaillait malgré tout le projet personnel de changement d'un élève mais de façon moins intense. Quand c’était possible, on fournissait aux élèves qui le voulaient des pistes de solutions afin qu’ils puissent les appliquer chez eux. Tous insistaient pour que cela se fasse assez succinctement afin qu'ils n'aient pas à demeurer sur la sellette trop longtemps. A ce moment, le thème semblait être un élément aidant à identifier leurs problèmes et devenait le déclencheur des échanges. Tout au long des rencontres, il m’a fallu ramener souvent les élèves à se centrer sur leurs difficultés en regard du divorce. Ils avaient tendance à s’éparpiller, à traiter beaucoup plus spontanément de leur vécu dans l'ici et le maintenant (examen, fête, etc.). L'autre aspect sur lequel il m'a fallu intervenir concerne les conflits interpersonnels dans le groupe même. Ceux-ci originaient en dehors du groupe mais se répercutaient sur celui-ci. Ceci a même occasionné à certains moments l'absence de certains élèves à la rencontre. Il m'a fallu clarifier à nouveau le cadre des rencontres. Pour ce qui est du type d’échange, j’ai remarqué que les élèves appréciaient avoir beaucoup d'action à court terme. Ils ne voulaient pas trop de longs échanges verbaux. Ils ont adoré les mises en situation. L’imitation des parents ou des nouveaux conjoints devenait un moyen de dédramatiser par l'humour certaines situations. Faute de temps, je n'ai pas rencontré les parents bien que cela était recommandé. Certains élèves ont mentionné l’importance de le faire mais surtout au début des rencontres. Cela ne semble pas avoir nuit à la démarche. Je considère que si les élèves du groupe avaient été plus jeunes, la rencontre des parents me serait apparue indispensable. À la fin des rencontres, lors de l'évaluation, les élèves se sont montres satisfaits. La plupart ont dit avoir vécu des changements dans leur vécu personnel. Ils se sont même montrés intéressés à poursuivre une démarche ultérieure de sensibilisation auprès d'autres élèves. Actuellement, avec quatre de ceux-ci, cet intérêt à poursuivre s'est traduit par l'organisation d'un sketch sur le vécu du divorce. Il devrait être présenté aux élèves de leurs classes. Ce qui m'étonne le plus, c'est la ténacité de leur intérêt. Ce sont eux qui m'ont relancée à plusieurs reprises pour que je les soutienne dans leur démarche ! J'ai très envie de reprendre ce projet l'an prochain, version améliorée ! Si quelqu’un parmi vous a déjà fait des démarches semblables, je serais très intéressée à échanger avec vous. (1) CLSC La Pommeraie 455, rue Yamaska, Farnham, Québec J2N 1J2 Tél.: (514) 293-3622 112, rue sud, Cowansville, Québec J2E 2X2 Tél.: (514) 263-2522 34, rue St-Joseph, Bedford, Québec JOJ 1AO Tél.: (514) 248-4321
Nom de fichier: | Les enfants du divorce.pdf |
Catégorie: | Volume 2 |
Taille du fichier: | 69.66 KB |
Nombre de visualisation: | 1080 Nombre de visualisation |
Date de création: | 05-13-2020 |